L’hydrogène en Belgique : beaucoup d’ambitions, des questions persistantes

Il y a quelques pages de ce magazine, il a été dit que l’hydrogène n’avait probablement pas beaucoup d’avenir dans le domaine des transports. Cela ne veut pas dire que ce carburant n’a pas d’avenir en Belgique. L’industrie se tourne en effet vers cette solution pour obtenir de l’énergie verte. Dans les ports de notre pays, notamment, on voit les choses bouger et les projets pleuvoir.
Où se trouve l’hydrogène en Belgique ? Au bord de la mer, ou du moins dans les plus grands ports du pays. À Zeebrugge, mais aussi à Anvers, les projets autour de cette source d’énergie verte vont bon train. Ce n’est pas surprenant, lit-on sur le site web du Port d’Anvers-Bruges : après tout, de nombreuses entreprises des deux ports sont étroitement impliquées dans la production, le traitement et la distribution d’énergie à destination et en provenance de divers marchés européens et mondiaux. Comme cela libère des gaz à effet de serre – en effet, l’ensemble de la zone portuaire représente aujourd’hui quelque 17 millions de tonnes d’émissions de CO2 – il est important d’écologiser cette activité.
Le port d’Anvers-Bruges s’est donc fixé pour objectif de devenir climatiquement neutre d’ici à 2050 et s’est pleinement engagé à passer à l’énergie et aux matières premières vertes. Ce faisant, le port s’intéresse tout particulièrement à l’hydrogène. Il tente de jouer un rôle important dans ce domaine en misant d’ores et déjà sur la production d’énergie verte. Pour ce faire, il génère de l’électricité pour produire de l’hydrogène vert à l’aide de panneaux solaires et de parcs éoliens en mer et sur terre.
C’est ce que fera à Zeebrugge le consortium HyoffWind, qui prévoit de construire une usine d’hydrogène vert d’ici à 2026. L’usine convertira l’électricité des partenaires Parkwind et Eoly Energy en hydrogène vert. Par ailleurs, le consortium ne souhaite pas seulement vendre de l’hydrogène, mais aussi contribuer à l’équilibre du réseau électrique en achetant de l’électricité ou en arrêtant la centrale en cas de besoin.
À Anvers, Plug in turn construit une usine d’hydrogène vert dans le NextGen District. Celle-ci tirera son énergie d’une combinaison d’énergie solaire et éolienne produite localement et d’électricité verte achetée, et produira 12 500 tonnes d’hydrogène vert liquide et gazeux par an pour le marché européen. Cet hydrogène vert gazeux peut ensuite être utilisé pour le réseau de gaz naturel, les utilisateurs industriels nationaux et étrangers et pour équilibrer le réseau électrique d’Elia.
Entre-temps, le réseau privé d’hydrogène d’Air Liquide est déjà prêt dans la zone portuaire d’Anvers, et Fluxys travaille également sur une canalisation d’hydrogène à accès ouvert reliant Anvers et Zeebrugge à l’arrière-pays allemand et à d’autres pays voisins. Toute entreprise pourra se connecter à ce dernier réseau.
Remorqueur
Outre l’hydrogène vert, le gaz naturel bleu sera également produit à Anvers. Antwerp@C vise à capturer, liquéfier et stocker le CO₂ de manière intermédiaire (Carbon Capture & Storage, CCS) d’ici 2030, puis à l’acheminer vers une installation de stockage souterraine. À partir de ce CO₂ capturé, le gaz naturel sera également converti en hydrogène bleu et stocké sous terre. Le consortium A@C, qui comprend également Kairos@C de BASF et Air Liquide, travaille sur l’infrastructure de CO₂ nécessaire pour rendre cela possible.
Comme il n’y a pas assez d’énergie solaire et éolienne en Belgique et en Europe occidentale pour le moment pour alimenter le port et tous ses utilisateurs en énergie verte, le Port d’Anvers-Bruges importera également de l’énergie renouvelable de régions plus ensoleillées et plus ventées. Cela se fera également sous la forme d’hydrogène, qui est transportable après tout. Les premières cargaisons d’hydrogène importées débarqueront en 2026.
Ensuite, cet hydrogène trouvera sa fonction dans le port. Ou plutôt des fonctions, car les possibilités sont nombreuses. Dans la station-service de la CMB à Anvers, les navires, les camions, les voitures et les tracteurs peuvent déjà faire le plein d’hydrogène vert, mais dans le cadre de son projet PIONEERS, le port teste également des équipements portuaires fonctionnant à l’hydrogène. À cette fin, il s’est associé au port de Duisbourg pour accélérer le développement des chaînes de l’hydrogène et la durabilité des outils portuaires grâce à l’hydrogène. Le port d’Anvers-Bruges est donc membre de la fondation allemande H2Global, qui promeut l’importation d’hydrogène vert par le biais de subventions et vise à stimuler le marché de l’approvisionnement. Avec l’Hydrotug, le port a également lancé le premier remorqueur à hydrogène au monde.
Seize camions
Plus à l’intérieur des terres, DATS 24, la filiale de chargement et de ravitaillement en carburant de la chaîne de grands magasins Colruyt, est également en train de se doter d’une filière hydrogène. Depuis l’ouverture de sa première station-service à hydrogène à Halle en 2018, l’entreprise n’a cessé d’étendre son réseau de stations-service à hydrogène. Entre-temps, elle dispose de stations à Haasrode, Wilrijk, Ollignies, Erpe-Mere et Herve dans des endroits stratégiques le long des routes principales.
Par ailleurs, DATS 24 recherche également des synergies entre les initiatives régionales et la coopération européenne, notamment dans le cadre du projet H2Benelux de WaterstofNet, une initiative visant à développer l’infrastructure de l’hydrogène dans le Benelux. Elle est également partenaire du projet Interreg Waterstofregio 2.0, qui se concentre sur la promotion de la technologie de l’hydrogène dans les régions frontalières, et contribue au projet H2Haul. Ce dernier est financé par l’Union européenne et vise à promouvoir l’utilisation de l’hydrogène dans les transports lourds. Dans le cadre de ce projet d’essai, 16 camions de 44 tonnes, dont deux appartiennent au groupe Colruyt, fonctionneront à l’hydrogène pendant cinq ans afin de tirer des conclusions.
Des questions persistantes
Malgré cette activité fébrile, des questions subsistent quant au coût de l’hydrogène nécessaire à tous ces projets. En effet, l’hydrogène reste difficile à stocker et à transporter, et la production d’hydrogène vert reste coûteuse. Les électrolyseurs sont coûteux à installer et ne sont intéressants que s’ils peuvent fonctionner à leur puissance maximale au moins 70 % du temps. Cela nécessite beaucoup d’électricité, donc nous n’y parviendrons pas si nous nous contentons de l’électricité excédentaire ou de l’offre fluctuante d’énergie éolienne et solaire. L’agence de presse Bloomberg a donc modifié ses analyses. Alors qu’elle partait du principe que le prix de l’hydrogène vert chuterait rapidement, elle prévoit désormais que ce ne sera pas le cas dans les décennies à venir.
De plus en plus d’acteurs comme Uniper, Shell et Equinor renoncent donc à leurs projets d’hydrogène ou les reportent parce qu’ils ne sont pas rentables pour l’instant. Ce phénomène se manifeste également en Belgique, où un projet d’hydrogène à grande échelle à Charleroi par Engie et Carmeuse a été interrompu. Même pour Hyport, un grand électrolyseur à Ostende qui devait être mis en service cette année, on ne sait pas quand la livraison sera effective.
Et puis il y a la politique, qui met aussi le doigt sur la balance en ce qui concerne l’hydrogène vert. Actuellement, l’hydrogène vert européen ne peut être qualifié de vert que s’il est produit avec de l’énergie renouvelable générée exactement dans ce but, car il ne doit pas entraver l’électrification du reste de l’économie. Elle doit également correspondre aux heures de production des panneaux solaires ou des turbines éoliennes qui fournissent l’électricité, et l’énergie solaire ou éolienne doit être directement connectée à l’électrolyseur. Cette vision est de plus en plus soumise à la pression du lobby des énergies fossiles, qui souhaite que l’hydrogène bleu – basé sur le gaz naturel mais avec capture du CO2 – soit également reconnu comme suffisant.
Il reste donc à voir ce qu’il en sera dans la pratique avec l’hydrogène.
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